INTRODUCTION
Premier volet d'un travail de recherche et d'expérimentation, le projet
Makhnovtchina, consiste en la mise en place d'un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'échelle de deux régions, la Normandie et le grand Moscou. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, dispositifs multimédia), de textes, de cartes, de journaux,
Work in progress. Ce travail mené par des architectes, géographes, créateurs informatiques, sociologues et économistes est la préfiguration de propositions d'architectures ou d'équipement mobiles et légère (2014-2016). Mais avant tout il s'agit de produire des films co-réalisés avec les habitants de cette autre ville : foraine. Par là, ce travail ressuscite le cinéma itinérant des foires françaises ou de l'
Agitprop soviétique.
EASTERN
Rouen, Moscou, rien à voir ! Et pourtant ces deux villes ont, ou prétendent au, « statut » de métropole. Elles devraient donc, si Métropole existe, avoir en commun : désirs, questions, problématiques et solutions. Pourtant : ni le même nombre d'habitant (500 000 contre 12 millions), ni la même attractivité, ni les mêmes surfaces ou densités et surtout pas les mêmes dates et mécaniques à leur naissance métropolitaine. L'une, Moscou, le devient, au cœur des années 90, par nécessité si l'on peut dire, pour nommer plus que régler sa trop forte attractivité et de là sa densité. L'autre, Rouen, aujourd'hui tente de générer attractivité et densité (entre autres) qui justifierait son existence. Voyez ! Rien de simple ! Et l'exercice de comparaison, de deux mêmes choses pourtant, semble impliquer un exercice le looping verbal contre nature. Alors la métropole existe-t-elle ? Ou du moins de quoi est-elle le nom ? Quand le phénomène dit de métropolisation modifie profondément nos territoires comme nos représentations démocratiques.
Entre Rouen et Moscou rien à voir ? Si ce n'est quelques chefs d'entreprise attirés par la seconde. Si ce n'est, surtout la violence que ces projets urbains exercent, sans visiblement s'en rendre compte, sur leurs habitants et en premiers lieu, les plus « légers et mobiles ». Rouen Moscou rien à voir mais la mâchoire des pelles mécaniques qui appellent et arrachent la ville foraine en point de symétrie. C'est pour questionner ce phénomène qu'Echelle Inconnue compte aujourd'hui une équipe en Normandie et une à Moscou.
C'est une errance un changement de point de vue autant qu'une aventure. C'est admettre que l'on ne sait pas ou que ce que l'on sait est insuffisant. C'est expérimenter le trait de la frontière barrant la carte et voir s'il est opérant au point d'interdire d'inventer des « NOUS » transfrontalier. C'est prendre le chemin (pour l'instant) à rebours et parler d'ici, Moscou... puisque dans notre Ouest la voix des émissaires de cet Est ne semble pas entendue. C'est enfin ré-envisager la question de la « ville mobile » au cœur d'une autre pensée de la ville. « Notre Est » espace souvent fantasmé auquel une guerre (froide) semble avoir durablement imprimé ses contours. Espace post soviétique où pourtant les mêmes questions métropolitaines sont à l'œuvre et pétrissent le territoire.
Le travail, pour l'instant, ancré à Moscou et en Moldavie s'articule autour de quatre pistes de recherche et d'expérimentation participatives : l'histoire comparée du cinéma mobile et forain (France/Russie), l'habitat ouvrier précaire et mobile (container, etc.) outil illégitime mais pourtant nécessaire à l'édification de la ville planifiée, les cités de garages, et enfin les installations foraines et commerciales (kiosques, camions...), leur histoire depuis les gestes constructivistes jusqu'à l'appropriation de l'espace public post soviétique ainsi que leurs réglementations.
ENJEUX DE LA MOBILITÉ AUJOURD'HUI
Métropole et mobilité sont devenues des « en-soi » chargées de valeurs positives qui ne semblent aucunement remises en question. Elles sont devenues des injonctions faites aux villes comme aux individus. Il faut que les villes deviennent métropoles et que les individus soient mobiles. Or, accolés, ces deux termes ne promettent qu'une mobilité particulière, une mobilité de « cadres plug and play » qui, pour des raisons professionnelles ou de loisirs se déplacent d'une métropole à l'autre, perpétuellement connectés grâce à un ensemble de dispositifs technologiques.
Ainsi, les changements de gestion territoriale dessinent-ils une mobilité particulière. Cependant, à l'heure des crises immobilières, du redécoupage du territoire par la pensée de la métropole, de plus en plus de personnes sont poussées à subir, à inventer à construire ou pratiquer, des urbanités mobiles et provisoires. D'évidence, cependant, la ville a changé de nature. Elle quitte de plus en plus les limites de l'immobilier pour se « virtualiser » dans les réseaux et la communication, changement dont les enjeux échappent encore à l'analyse.