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TRYPTIQUE FORAIN (3) :

Par Mathieu Molga, vendredi 25 novembre 2016
Thème : Western

L'invisible, usages et relations au monde vivant
Dans le tumulte de la Fête disparait l'île. L'im-plantation foraine met à distance le lieu, et invisibilise les structures et les rapports spatiaux.
Où il est question d'organisation et de logistique, de sécurité, et d'économies. Quels dialogues se mettent en place entre la fête et l'espace, entre la foule et le végétal, entre mobilier et mouvement ?
Plongée dans l'arrière scène de la foire.
FRANGES
Les quais : On en oublie presque qu'on est sur une île. Les quais sont ici une voie de secours, d'évacuation, prévue dans le plan d'organisation. On imagine bien la cohue d'une foule courant le long de l'eau et dansant sur le vaste réseau de câbles et de tuyaux disposé au sol, pour sortir au plus vite de la foire en cas de problème. Depuis l'intérieur, de minces percées ouvrent sur la Seine. C'est surtout depuis quelques manèges prenant de la hauteur, que l'eau apparait, teintée des lumières de la fête.
L'arrière Seine : Un entrelacs de tuyaux sillonne le champ de foire, irriguant les manèges et les stands de nourriture. Tuyaux d'eau se jetant dans la Seine ? Tuyaux d'eau pompant la Seine ? De plus, tout un câblage électrique est nécessaire pour faire frétiller la fête. D'ailleurs, sur les allées, des sortes de ralentisseurs en bitume ont été coulés pour protéger tout cet attirail des pieds de la foule.
Le port industriel et un village forain :
Sur l'autre berge, entre l'arrière parking forain (derrière le hangar 23 et le chai à vin) et le parking visiteur (en face du M.I.N), prend pied un port. Port de plaisance et sa gendarmerie, port industriel, ses grues et ses travailleurs. Et, cachés dans ce bric-à-brac par l'imposante cale sèche, dorment quelques forains dans leurs caravanes, le temps de l'évènement.
L'arrière champ de foire :
Derrière la grande roue, derrière la foire, une zone de parking pour les poids lourds. Mais une route aussi, longeant la berge et conduisant au bout de l'île.
Terminal gravats et terminal croisière :
Car la presqu'île garde encore quelques marques du passé industriel. Des mouvements de camions-bennes chargeant divers gravats viennent croiser la route des forains stationnés dans l'arrière champ de foire.
Les hangars :
Les hangars restant font la frontière entre les boucles de l'allée. Parfois, on aperçoit un coin de mur en brique, parfois, une porte entrouverte sur un atelier, un bateau dans le fond.
Les lieux du sommeil :
Derrière les manèges, s'essaiment une multitude de caravanes. Certaines petites, modestes, d'autres équipées de tiroirs coulissants, aux dimensions bien plus vastes et aux aménagement similaires à de petits appartements. On y habite la foire pour diverses raisons. Pour la minimisation des temps de transport habitat-travail au vue des horaires forains ; par cette proximité, et souci d'efficacité, pour l'entretien et le nettoyage des machines ; par tranquillité d'esprit par rapport aux manèges, tant d'un point de vue du vandalisme potentiel que des risques de blessures d'aventuriers saouls ; pour une question de confort notamment concernant les repas du midi... Encore faut-il que la municipalité tolère l'installation de ces caravanes dans l'arrière-cour de la fête. (parler des camions aménagés?)
Mais pour la plupart, on dort ailleurs. Hôtels, chambres d'hôte, campings, sur des terrains mis à disposition pour l'occasion où s'installent alors de véritables villages forains : à la Sernam, ancienne friche ferroviaire, à Darnétal sur un terrain d'accueil, ou bien encore sur la mince bande disponible du port industriel ; certains encore, sont propriétaires de terrains non loin.
RELATIONS AU MONDE VÉGÉTAL (toilettes, poubelle, sentiers, publicité...)


C'est non loin de l'entrée principale, entre le couloir piéton menant aux restaurants, et la voie ferrée, que se déploie la rare et touffue végétation de la foire. Sur le bitume, s'extraie une île de terre et de plantes. On y observe des arbres à papillons (Buddleia davidii), saules et peupliers blancs, du genêt à balai y pousse, des églantiers 'gratte-cul', de la mauve, morelle noire, carotte sauvage... ; quelques oiseaux y chantent. Des guirlandes lumineuses y sont suspendues, et des affiches publicitaires amènent une faune imaginaire : ours et cochons.
Au fil des jours, cet îlot végétal fut pénétré. Raccourci secret pour accéder à la foire sans fouilles à l'entrée ; poubelle à ciel ouvert récoltant emballages de nourriture, canettes de sodas, bouteilles de bières, papier toilette, mégots et papiers gras... Des ouvertures dans la barrière de bois cerclant la friche permirent la venue et le soulagement des vessies. Quelques débuts de chemins se formèrent ainsi sous les pieds des pisseurs, n'excédant cependant pas deux ou trois mètres de profondeur dans les taillis. Juste en face d'une dizaine de toilettes mobiles. Répugnance du côté chimique, dégoût des odeurs des cellules ou envie très pressante ?
Mais cette pissotière de l'entrée n'est pas le seul toilette sauvage. On retrouve à l'autre extrémité de la foire, entre quelques camions et érigérons, quantité d'étrons et de mouchoirs volants.
Ratiboiser : publicité, visibilité et logistique La première friche de l'entrée se prolongeait sous forme de haie d'églantiers et de lierre, en direction de la deuxième entrée non loin. D'un point de vue stratégique et commercial, elle fut ratiboisée. En effet, la route très passante, en lisière, de l'autre côté de la voie ferrée, donne à cet espace intérieur de la foire une grande visibilité. On y donne alors à voir l'allée des restaurants, quelques manèges, de la publicité, et dans le fond, la grande roue.

MOBILIER MOBILE


Un arsenal imposant en mobilier mobile est mis en place à divers niveaux. Dans un but logistique et de contrôle des mouvements de la foule : barrières, clôtures, gabions, grillages... accompagnés de leurs parpaings. En terme de services au public, on retrouve des cabines de toilettes chimiques disposées aux environs des sorties de secours, ainsi que des distributeurs de billets mis en place par le Crédit du Nord (une banque de détail de la filiale Société générale).
Le système d'éclairage est lui aussi importé. D'énormes plots de béton viennent ériger des mats de bois où sont suspendues lumières et caméras.
Sans oublier les panneaux de publicité du groupe JCDecaux disposés çà et là (aux entrées, proches des guichets d'argent, et à l'extérieur de la foire), vantant les mérites de l'accès à la propriété : « aux portes de Rouen, au pied des commerces et des transports. Votre 3 pièces à partir de 499 euros par mois. Nouvel'air ; Eiffage ». Quelques uns tentent également de prévenir la conduite alcoolisée au volant...
APRÈS LA FOIRE

Que reste-t-il alors,
ensuite,
de
la
fête ?

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Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
MAKHNOVTCHINA
Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.