LE CAMPEMENT DES LUCIOLES
Par Stany Cambot, Western
FABLE DOCUMENTAIRE SUR ET AVEC LES TRAVAILLEURS NOMADES DU NUCLÉAIRE QUI QUESTIONNE UNE ÉVOLUTION DU LOGEMENT OUVRIER EN FRANCE
L’histoire pourrait se dire simplement :
Pour vivre ou pour gagner un peu plus qu’un salaire d’ouvrier dans l’industrie, à Flamanville, dans la presqu’île du Cotentin, 5000 hommes campent depuis des années dans des zones réservées au pied du chantier d’un hypothétique futur réacteur nucléaire. Ils sont français, portugais, ukrainiens, manouches. Ce sont des habitants fantômes, officiellement domiciliés ailleurs en France ou à l’étranger. Ici depuis plusieurs années, ils n’ont cependant pas droit de Cité.
Au matin, à la lueur des lampes frontales ou des téléphones portables, ils partent pour le chantier, trébuchant sur les racines affleurantes. Ici, pas d’éclairage public pour raison environnementale : on protège les espèces nocturnes.
Dans ces zones, ils n’ont qu’un droit : dormir dans le respect du règlement et se taire.
Car le chantier, cette mono-industrie de laquelle vit la région entière, est un sujet sensible.
Mais le dire ainsi, c’est mettre en danger les protagonistes.
Serait-il plus réaliste de conter l’histoire ainsi : Au Ve siècle, Saint-Germain-Le-Scot traverse la Manche sur une roue de chariot pour accoster à Flamanville. Là, dans l’éperon granitique de la presqu’île, un dragon a trouvé refuge au fond d’une grotte. Chaque semaine, les villageois y déposent en pâture un de leurs enfants pour calmer l’ardeur de la bête. Mais Saint-Germain-Le-Scot enserre le dragon dans son étole et le pétrifie sur place.
Reconnaissants, les villageois adoptent sa religion. Mais le pacte entre le saint, les habitants et la bête est peut-être plus compliqué… Et expliquerait qu’au milieu du XIXe siècle, la grotte attire des milliers d’hommes pour en extraire le minerai de fer et, aujourd’hui, des milliers encore pour y enterrer l’atome. La nouvelle foi, le secret militaire et industriel, les nouveaux saints : Areva, Veolia, EDF, etc. Pour Saint-Germain on bâtit une église ; pour les mineurs de fer, des corons ; pour les premiers agents de la centrale, des pavillons ; et pour ce nouveau peuple sur roue, des zones, campings et campements qu’ils quittent au matin comme des lucioles pour aller nourrir ou enserrer la bête.
Pour vivre ou pour gagner un peu plus qu’un salaire d’ouvrier dans l’industrie, à Flamanville, dans la presqu’île du Cotentin, 5000 hommes campent depuis des années dans des zones réservées au pied du chantier d’un hypothétique futur réacteur nucléaire. Ils sont français, portugais, ukrainiens, manouches. Ce sont des habitants fantômes, officiellement domiciliés ailleurs en France ou à l’étranger. Ici depuis plusieurs années, ils n’ont cependant pas droit de Cité.
Au matin, à la lueur des lampes frontales ou des téléphones portables, ils partent pour le chantier, trébuchant sur les racines affleurantes. Ici, pas d’éclairage public pour raison environnementale : on protège les espèces nocturnes.
Dans ces zones, ils n’ont qu’un droit : dormir dans le respect du règlement et se taire.
Car le chantier, cette mono-industrie de laquelle vit la région entière, est un sujet sensible.
Mais le dire ainsi, c’est mettre en danger les protagonistes.
Serait-il plus réaliste de conter l’histoire ainsi : Au Ve siècle, Saint-Germain-Le-Scot traverse la Manche sur une roue de chariot pour accoster à Flamanville. Là, dans l’éperon granitique de la presqu’île, un dragon a trouvé refuge au fond d’une grotte. Chaque semaine, les villageois y déposent en pâture un de leurs enfants pour calmer l’ardeur de la bête. Mais Saint-Germain-Le-Scot enserre le dragon dans son étole et le pétrifie sur place.
Reconnaissants, les villageois adoptent sa religion. Mais le pacte entre le saint, les habitants et la bête est peut-être plus compliqué… Et expliquerait qu’au milieu du XIXe siècle, la grotte attire des milliers d’hommes pour en extraire le minerai de fer et, aujourd’hui, des milliers encore pour y enterrer l’atome. La nouvelle foi, le secret militaire et industriel, les nouveaux saints : Areva, Veolia, EDF, etc. Pour Saint-Germain on bâtit une église ; pour les mineurs de fer, des corons ; pour les premiers agents de la centrale, des pavillons ; et pour ce nouveau peuple sur roue, des zones, campings et campements qu’ils quittent au matin comme des lucioles pour aller nourrir ou enserrer la bête.