Palatka. Les progrès de la langue russe dans les intestins de mon cerveau sont lents, trop lents, néanmoins me voilà depuis peu heureux possesseur d'un nouveau mot de vocabulaire : « Palatka » autre terme pour désigner le kiosque.
C'est un sale hiver dixit les Moscovites. Pas assez froid. Ça neige et ça s'arrête. Ça gèle et ça dégèle. Les bactéries qui ne sont pas tuées par le froid vous attaquent. À quelques heures d'intervalle et sur le même trottoir on glisse sur des plaques de glace puis sur des flaques de neige boueuse. Il m'a fallu trois jours avant de pouvoir sortir en relative sécurité, le temps qu'un cordonnier pose sous mes bottes des semelles antidérapantes. Ce n'est qu'alors que j'ai vu que mon voisin « Prodoukti » avait déménagé.
Prodoukti c'est le nom frappé à l'enseigne des kiosques-épiceries. On y trouve fruits et légumes, alcools, conserves et poissons séchés, parfois même des piles. Ils jalonnent l'espace aussi sûrement que des clous d'arpenteurs. Commerce de voisinage, il rend aussi de menus services, on peut y passer commande pour peu que l'on soit du bloc, de la rue, du quartier ou de la cour.
Notre immeuble ne fait pas exception. En bas, sur le trottoir, un kiosque. Mais voilà que chaussé, me retrouvant sur le trottoir pour la première fois, je ne trouve plus le prodoukti. Disparu. Remplacé par quelques berlines garées à l'arrache. Ce n'est qu'en revenant que je l'ai retrouvé pour ainsi dire au pied de ma porte, niché à l'abri derrière les barrières toujours ouvertes de notre cour.
Il a fuit, me dit-on, les tracasseries administratives dont il faisait l'objet sur la voie publique et s'est réfugié ici, dans cet espace que l'on qualifierait de privé, bien que la recadastralisation de Moscou au moment des privatisations de l'aire Eltsine soit souvent floue.