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ON VA LÀ OÙ IL Y A DU TRAVAIL !

Numéro 5


Département de l'Eure, à quelques kilomètres du village de Ménilles, sur le bas côté d'une route parallèle à la route principale, un camion est garé, avec panneau photovoltaïque et petite éolienne. Marie-Christine et Jean-Charles sortent de leur véhicule. Elle vient de Rouen, lui du Pas de Calais.

Nous, ça fait au moins quatre ans qu'on habite par ici. On va là où il y a du travail. Mais moi, les patrons ne veulent plus m'embaucher, j'ai 54 ans et j'ai déjà fait un infarctus, alors... Nous commencions à ne plus avoir les moyens de payer un logement, et comme Marie-Christine n'a pas le permis, on a décidé de se déplacer au plus près de son boulot.
Nous nous sommes installés par ici parce que Marie-Christine a trouvé du travail à Ménilles. Et nous sommes sur ce petit terrain au bord de la route parce que nous fuyons les lieux habités. Ce n'est pas que nous sommes asociaux mais ça génère des trucs... Ici, nous ne dérangeons personne enfin pas jusqu'à présent. À Conche, nous ne dérangions personne. À Douains, la maire est venue, elle avait été prévenue par des gens à cause du chien. M'enfin le chien, il est très obéissant et il reste vraiment à côté du camion. Je lui ai montré, elle a compris. Elle nous a même proposé que l'on se rapproche du centre, mais nous n'avons pas voulu, parce qu'on sait que les gens n'en ont pas envie. En plus, c'est elle qui aurait fini par avoir des problèmes. Pour les papiers, nous avons eu un temps notre adresse chez la mère de Marie-Christine. Mais ils nous ont demandé de payer les impôts locaux. Alors que c'était uniquement pour avoir un endroit pour recevoir du courrier. Heureusement, le maire, qui nous connaît, a attesté que nous n'habitions pas chez elle. Et pour lui éviter de nouveaux problèmes et nous éviter de payer nous avons maintenant notre adresse et nous recevons notre courrier dans un CCAS (Centre Communal d'Action Sociale).

Aujourd'hui, on ne voudrait pas retourner en appartement. Ici, on sort comme on veut. Moi, je suis toujours en train de bricoler, par exemple le chargeur solaire de téléphone. Moi, ce qui me manque c'est un jardin, je suis une accro au jardinage.

Pourquoi un camion ?
Parce qu'on a beau dire que le camping-car s'est démocratisé, ça reste encore aujourd'hui un truc de bourgeois. C'est souvent les retraités qui ont un camping-car, et ils s'arrêtent au bord des autoroutes, sur les aires de repos, là où c'est plus sécurisé, plus protégé. Du coup, si l'on avait un camping-car, les gens se diraient qu'on est plus riche. C'est encore le luxe, le camping-car. Du coup, il y aurait plus de cambriolage. Et la caravane, c'est pour se garer que c'est compliqué. Quand on veut juste aller chercher le courrier, par exemple, ça complique vraiment. Là, ça nous demande 20 minutes de tout plier, c'est-à-dire, ranger les panneaux et partir... Au départ, nous n'avions pas le projet du camion, on voulait un terrain avec un chalet et une ca ravane. On aurait fait le chalet sur des pilotis, pour pouvoir creuser dessous, et mettre des cuves de récupération d'eau. J'avais même commencé à acheter le terrain, mais le maire n'a pas voulu. Le propriétaire m'a quand même remboursé ! Et puis, comme je suis bricoleur, on se serait débrouillé. J'ai fait de nombreux boulots : laveur de vitre, pompiste de nuit, routier, j'ai travaillé en usine. Je touche à tout. Dans le camion, on a tout fait, au gré des rentrées d'argent.
Si vous voulez renseigner les gens, faut leur dire de m'appeler, j'ai plein d'astuces pour transformer un camion et aller à l'économie

Pour combattre un peu le froid, il faut isoler avec 3 cm de polystyrène.
- Pour les toilettes, comme les produits chimiques coûtent cher, il est possible d'utiliser de la bouillie bordelaise, trois fois moins chère, et d'y mélanger quelques gouttes d'huile essentielle pour les odeurs.
- Pour l'électricité, nous avons débuté avec un générateur, mais nous ne nous en servons plus. L'éolienne et les panneaux solaires, sur le toit et au sol, de 100 Watts et 75 Watts, nous fournissent l'électricité que nous stockons dans des batteries.
- Pour la lumière, nous fonctionnons avec des leds, moins chères et moins consommatrices d'électricité.
- Pour réduire aussi la consommation d'électricité, nous utilisons des chargeurs de téléphone et de piles solaires.
- J'ai aussi un petit panneau solaire d'entretien pour la batterie, comme ça je suis sûr que le camion démarre à chaque fois.
- Pour être autonome, il faut 210 Watts en solaire.

Sommaire du numéro 5
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ET SI PARIS FAISAIT SEMBLANT DE NE PAS VOIR SON FONCIER?
HABITER COMME CONTESTER
LA ROUTE VERSUS LE MUR
L'HABITAT MOBILE OUVRIER DE DIEPPE À MOSCOU
L'HABITER MOBILE OU L'ALTERMÉTROPOLISATION
L'HYPOTHÈSE DE L'HISTOIRE
MOSCOU : DÉRIVE EN TERRITOIRE MIGRANT
ON VA LÀ OÙ IL Y A DU TRAVAIL !
SAVOIR MAISON GARDER : UNE VILLA MOBILE RECOMPOSABLE
EDITO / JOURNAL À TITRE PROVISOIRE N°5 : MAKHNOVTCHINA / ENTRE CIRCULATION ET SÉDENTARISATION : HABITER L'IMMOBILIER
NOIRE LA RUBRIQUE : SUR LA ROUTE!
BIDONVILLE DE QUI ES-TU LE PROBLÈME ? DE QUOI ES-TU LA SOLUTION ?
TU VEUX QU'ON BOUGE ? OK ! MAIS COMME ON NE DÉMÉNAGE PAS D'UN BIDONVILLE

Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
MAKHNOVTCHINA
Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.